La chambre d'amis

Lorsque l'escalier geignit, je n'y prêtai nulle attention. Cependant, aux bruits de pas dans le corridor, nous nous redressâmes d’un même élan. Quelqu'un s'était arrêté devant la porte. La poignée oscilla puis s’immobilisa. Rosalind me fit un signe de tête. En silence, nous nous déchaussâmes à la hâte avant de nous glisser sous l'édredon. Si quelqu'un entrait, il ne distinguerait, dépassant à l'air libre, qu'une tête dans le clair-obscur, celle de l’occupante légitime des lieux. Plusieurs minutes s'écoulèrent ainsi sans que le moindre signe de vie ne se manifestât. Profitant de cette accalmie, je remontai sa robe. Elle ne m’opposa aucune résistance. Sous le couvre-lit, j'y voyais suffisamment pour apprécier la courbe de ses mollets, la finesse de ses genoux, le galbe de ses cuisses. Sa respiration, étouffée, me parvenait à travers l'épais duvet. [...]


La poignée s'ébranla puis la porte grinça dans ses gonds. Et si le mari venait rejoindre sa femme ?

— Madame Connage ? demanda une voix inconnue à l’accent typiquement américain. Comment allez-vous ? Êtes-vous souffrante ?
— Seulement un peu fatiguée, répondit celle-ci d'une voix faible, merci.
— Je ne vous dérangerai pas longtemps, j'ai juste un conseil à vous demander.
— Je vous écoute, même si je n’ai jamais été bonne conseillère. Asseyez-vous sur une chaise, je vous en prie. 
— C’est gentil à vous. Je vais allumer une bougie, il fait terriblement sombre ici.
— Surtout pas, malheureuse ! m'écriai-je spontanément. 
— C'est-à-dire, reprit Rosalind en se raclant la gorge, s’appropriant l'exclamation avec un calme olympien, je souffre d'une terrible migraine. Seule l'obscurité et le calme m'apportent quelque soulagement. 
— Comme il vous plaira, murmura la voix en ravalant les ‘r’. 

La conversation ne faisait que commencer. Cependant, ce qui de prime abord m'était apparu comme le plus insupportable des contretemps devint bientôt un agréable interlude.
— Je ne lui fais plus confiance, commença l’inconnue en poussant un profond soupir.
— Oh ! gémit Rosalind, alors même qu’avec toutes les précautions nécessaires, j’adressai les salutations d’usage à l'étrange excroissance. Et pour quelle raison ?
— Vous connaissez Dona ! Elle papillonne sans cesse, de fleurs en chardons ; peu lui importe d’ailleurs. Comment avoir confiance en elle ?
— Je croyais qu'elle ne cachait rien à ses amies, grogna Rosalind pour ne pas crier.
Je réprimai un sourire. J’avais trouvé une nouvelle occupation : dessiner des spirales, que je déroulais ensuite, autour de la charmante éminence où j'avais élu domicile. Une chose, en effet, m’intriguait  grandement : cette singulière boule de chair gonflait tant, à mesure que je m’en approchais, que je me demandais jusqu'où elle pourrait bien aller.
— C'est ce qu'elle m'a toujours assuré, en effet, confirma l’étrangère. Mais parfois, ajouta-t-elle après une courte hésitation, j’ai l’impression qu'elle ment, qu'elle ne me dit pas tout. Vous savez, on sent ces choses-là.
— Ah ! L’intuition féminine ! haleta Madame Connage sans plus d’explications.
— Tenez, ce soir par exemple : je reviens à l'instant du temple de l’amitié ; eh bien figurez-vous qu'elle s'y est rendue ! Je ne sais pas pourquoi, ni avec qui, mais elle y est allée !
Je sursautai sous le couvre-lit. La compagne de Dona était décidément loin d’être naïve.
— Allons, allons, ne vous emportez pas, cela ne veut rien dire. Elle peut très bien avoir eu besoin de quelque chose qui s'y trouvait, non ? D’un bijou ou d’une étole, que sais-je ?
Rosalind tressaillit quand de mon autre main, je me faufilai sous ses reins. 
— C’est ce que j’ai pensé, bien sûr, moi aussi ; mais une petite voix, voyez-vous, me dit le contraire. Il y a tant de jolies femmes ici, tant de proies potentielles !

Je fus brusquement aspirée. D'un seul mouvement, elle avait mis fin, du moins provisoirement, à mes agacements. 
— Que pensez-vous de cette nouvelle convive, Mademoiselle Courmont ?
Je tendis l’oreille.
— J'ai vu que vous aviez échangé quelques paroles avec elle, continua l’inconnue.
— Mademoiselle Courmont ? Elle est délicieuse, oui, tout à fait délicieuse.
Un long silence s’installa. Je décidai de mettre à profit cette trêve providentielle pour pousser plus avant mon exploration. 
— C'est certain, reprit l’inconnue, Dona en fera bientôt sa maîtresse. Si ce n'est déjà fait !
À ce point de la conversation, j’assistai à la longue énumération des multiples conquêtes de la maîtresse de maison. De cet inventaire méticuleux, je ne prêtai toutefois l’oreille qu’aux interventions réitérées de Rosalind qui se traduisaient par des gémissements étranglés ou des encouragements en forme de Oh! et de Ah !. Ses frémissements m'enchantaient, ses contractions me bouleversaient.

Fin de l'extrait

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25 mai 2016

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